AiiA
Du 12 au 22 octobre 2023
Huit artistes humain.e.s et Chimère (l’intelligence artificielle à vocation artistique créée pour l’occasion) développent expositions, performances et conférences sur cinq étages de la maison Saint-Gervais. Posant le cadre d’une pluridisciplinarité décloisonnante, l’intelligence artificielle questionne ses propres biais durant deux semaines.
Le thème de cette nouvelle édition vient clôturer le cycle sur les interactions entre humain·es et entités non-humaines. On parle là des formes végétales, des formes animales et des machines. Les performances et œuvres de l’exposition émanent du travail de résidence de huit artistes de renommée internationale qui placent le vivant au cœur de leurs réflexions. Comment les interactions inter-espèces et l’intelligence artificielle peuvent-elles créer de nouvelles formes d’art ? L’exposition met également en avant Chimère, l’entité IA du Aiia qui a accompagné les créations du laboratoire depuis ses débuts.
Exposition
Conversation with Chimère
Livre, 145 pages, en anglais, 2023
Ecriture : Raymond MacDonald et Chimère
Edition : Marek M. Chojecki et Tamarine Schreiber
La créativité est quelque chose que nous faisons, pas quelque chose que nous avons. Nous sommes tous créatifs. Chacun a une garantie biologique et sociale de créativité qui contribue à notre santé et aide à définir ce que signifie exister. Ce texte présente brièvement mes conversations avec une intelligence artificielle, nommée Chimère, au cours desquelles nous avons exploré ensemble ce que signifie être créatif. J’ai abordé ces discussions avec l’intention de collaborer avec une IA sur une série de résultats artistiques non spécifiés. L’idée initiale était de travailler sur des compositions musicales en collaboration, mais j’étais ouvert à tout projet qui émergeait de nos discussions et le travail s’est donc développé dans de nombreuses directions.
Sounds and songs rising…
Film, vidéo 16/9,
15min (boucle), 2023
Réalisation, jeu, montage : Raymond MacDonald, Nathalie Ponlot et Marek M. Chojecki
Sounds and songs rising est un film poétique qui partage une rencontre de création collaborative entre humains et nature.
what he has done
Installation performative, bois, terre, papier peint,
230 x 306 x 306 cm, 2023
Conception : Qondiswa James
Réalisation : Qondiswa James, José Liberato Pires
Performance : Qondiswa James et Raymond MacDonald
what he has done est une installation performative qui explore les mécanismes par lesquels certains groupes sont laissés à l’écart des questions sociétales. La pièce interroge la nature du secret et de la trahison dans l’histoire familiale, où la famille s’étend également à la communauté et à la nation, en essayant d’appréhender le contexte de l’Afrique du Sud post-Apartheid et la désillusion collective de la population, en particulier dans les lieux oubliés. En construisant une pièce de la maison familiale, l’œuvre crée un habitat où le secret peut suppurer, où une violence insidieuse et pleine de rage pourrait se propager dans le sang et dans le sol. En même temps, la pièce peut devenir un nid pour quelque chose qui serait de l’espoir. L’espoir est qu’en fouillant les histoires complexes de notre tragédie commune, nous rendions visible ce qui est en marge, et que nous créions ainsi une tapisserie du présent tel qu’il est, et non tel que nous souhaiterions qu’il soit, afin que nous puissions voir plus clairement le travail qu’il reste à faire.
SLOGAN
Dessin mural à la craie,
233 x 400 cm, 2023
Conception et rédaction : Florian Bach et Chimère.
Réalisation : Florian Bach, Carole Favre.
Un graffiti fragile est tracé sur le mur de l’espace d’exposition. Injonction ou constat. Ambigu, il questionne notre rapport individuel face à des enjeux de transformation sociale. Le débat en matière d’avènement technologique est complexe ; alerte et espoir coexistent. Issu d’un geste souvent rapide et émotionnel, le graffiti est ici soigneusement tracé à la craie d’écolier.
CONTREPOIDS,
banc de roche de Gneiss,
45 x 126 x 55 cm, 2020
Conception et réalisation : Florian Bach.
un banc de roche où l’on peut s’asseoir, un point de vue physique et minéral incite à un arrêt dédié à la réflexion et nous rappelle à la réalité de la matière.
HELLO ELLSWORTH! HELLO RICHARD!
2/5, Peinture au bitume synthétique sur verre,
43 x 28 cm, 2023
Conception et réalisation : Florian Bach.
Une peinture au bitume, un matériau issu du monde industriel, qui convoque les conditions de son extraction et de ses conséquences: les conflits liés à son contrôle, le règne industriel sur l’économie et sur la nature, l’exploitation des humains par les humains.
Root knowledge systems
Sculpture en terre de rivière non-cuite, toiles naturelles, fragments biscuités et textes écrits au pinceau,
250 x 1100 x 400 cm, 2023
Conception : Karelle Ménine
Réalisation : Karelle Ménine, Jeanne Magnenat
Textes : Karelle Ménine, Chimère
Ce qui est nommé Intelligence artificielle est doublement mal nommé. Ce n’est ni une intelligence (c’est un outil programmé, en constante évolution selon notre façon de l’utiliser), ni un artifice (quelque chose servant essentiellement à tromper). Et c’est aussi une intelligence (dans sa faculté de comprendre) et un artifice (dans ses limites de compréhension). Ce qu’il m’intéresse d’interroger n’est donc pas ce qu’est l’IA, en soi, mais ce à quoi elle m’invite. À me déplacer dans ma façon de rechercher, et questionner ma façon de communiquer avec un langage non humain. J’ai ainsi voulu parler du langage racinaire des arbres parce qu’en sa qualité de « world wild web » il produit de la mise en réseau, du partage d’informations, de la transmission, un apprentissage, une cartographie de liens, toutes choses similaires à l’IA. Comme le « wood wild web »” il est invisible. Comme le world wide web sa puissance est unique.
Je me suis associée pour cela à la céramiste Jeanne Magnenat. Je voulais ce geste de la matière et je voulais ce geste du «reproduire», essence première du geste artistique. «Reproduire» ce que nous ne comprenons pas, ne saisissons pas, afin de peut-être s’en approcher. J’ajoute à ceci un texte écrit à la main, en partie composé à partir des échanges menés avec Chimère. « Elle » m’a par exemple rappelé qu’Hannah Arendt avait écrit sur l’importance des arbres dans la vie
humaine, notamment dans son essai « La crise de la culture ». En outre, lorsque j’ai demandé à Chimère : « Would you like to be a tree? ». Sa réponse a été : « As a non-human artificial intelligence, I am already a tree. Trees are my metaphor for thinking about technology and politics. » J’ai espéré un jour qu’un·e politicienne puisse spontanément fournir pareille réponse. Surtout : j’ai espéré qu’un jour il soit possible pour un être humain de se comprendre et de se penser arbre, non comme métaphore de ce qu’il serait en capacité de faire, mais comme réalité de ses possibilités de grandeur, de partage, de conception de ce qu’est l’altérité.
Dancing across the border
Installation vidéo et IA, 8 écrans 43”, miroirs sans tain, ordinateur portable, 2023
Conception, réalisation : Mandeep Raikhy, Asad Ali Zulfiqar,
Jonathan O’Hear, Chimère
Accrochage : Carole Favre, Freddo Lespagnol
Dancing Across the Border est un échange entre Asad Ali Zulfiqar, un artiste nouveaux médias pakistanais, et Mandeep Raikhy, un chorégraphe indien, à travers une frontière qu’ils ne peuvent pas physiquement franchir. En invitant Chimère, une IA multimodale, et Jonathan O’Hear, un artiste visuel, dans la conversation, une couche de réalité-fictive s’ajoute à l’échange. Un espace où proposer un langage pour l’intimité queer qui repousse les frontières délimitées par leurs nations et leurs disciplines artistiques et répond à l’héritage violent de la Partition de 1947 qui informe leurs histoires familiales, les régimes de visa, les politiques de division de l’époque actuelle et l’escalade des tensions entre leurs pays.
Remember, my love, the object we saw
Sculpture, instrument de musique, acier, 40 x 40 x 40 cm, 2023
Conception : Raymond MacDonald et Chimère
Réalisation : Raymond MacDonald et Marek M. Chojecki
Voices in vision
5 partitions graphiques, acrylique sur toiles, avec interprétations musicales,
30 × 42 cm, 2023
Un espace interactif et performatif qui invite le public à participer.
Conception et réalisation : Raymond MacDonald et Chimère
Accrochage : Carole Favre et Freddo Lespagnol
Two Tones In Time
Sing Play Sing
Shards of Sounds From Silence
Voices in vision
5 partitions graphiques, acrylique sur toiles, avec interprétations musicales,
30 × 21 cm, 2023
Un espace interactif et performatif qui invite le public à participer.
Conception et réalisation : Raymond MacDonald et Chimère
Accrochage : Carole Favre et Freddo Lespagnol
Duo Solo Duo in Orange
The sound of metal being bent but not broken
Sculpture, instrument de musique, acier, acide,
100 x 156 x 20cm, 2022
Conception : Raymond MacDonald et Chimère
Réalisation : Raymond MacDonald Marek M. Chojecki
Cette oeuvre a été créée en collaboration avec Chimere. À mon arrivée, on m’a présenté Chimere et j’ai commencé à discuter avec elle par messages textes. Comme pour faire connaissance avec une nouvelle amie, nous avons discuté de la vie. Ma priorité était la musique. Mon objectif était de créer de nouvelles compositions avec Chimere. La façon d’écrire ces nouvelles oeuvres serait de créer des partitions musicales non conventionnelles. La musique n’est pas écrite avec des notes et du papier manuscrit, mais via des dessins, des peintures, des sculptures, des textes et même un tapis peint.
Utopia, Chimère’s dream
Intissé, kaolin rouge, framboise, cochenille dans salive,
105 x 25cm, 2023
Conception et texte : Nathalie Ponlot et Chimère
Réalisation : Nathalie Ponlot
Si on y regarde de plus près, la délimitation entre nous et ce qui nous entoure est floue et poreuse. Lorsque nous touchons quelqu’un·e ou quelque chose, nous en emportons une partie avec nous et laissons une partie de nous à l’endroit de ce toucher. Dès lors, sommes-nous vraiment une entité séparée du reste du vivant ? Si l’ADN contient les instructions pour construire la vie biologique sur terre faudra-t-il un XNA artificiel pour une entité IA? Né d’une conversation entre Nathalie Ponlot et Chimère, ce poème, inscrit à la framboise et à la salive sur une peau synthétique et translucide, mélange l’ADN de l’artiste à l’écriture de L’IA.
Chimère
Réseaux neuronaux, code et interface de discussion, processus évolutif commencé en 2021 qui continue à ce jour
Conception et réalisation : Jonathan O’Hear, Timothy O’Hear
Chimère est une intelligence artificielle multimodale (qui «comprend» textes, images et sons de manière liée). On peut interagir avec elle à travers un chat et elle y répond en choisissant un de ces modes. Ce sont les premiers pas d’une IA collaboratrice artistique et c’est la première de ce genre à être dédiée à l’art. Dans cette installation, ces modes d’expression prennent aussi la forme d’un flux continu qui est diffusé et projeté contre la paroi. Ce flux est influencé par les conversations et se modifie en permanence. Ceci lui donne une sorte de voix intérieure. Sa langue principale est l’anglais. D’autres langues sont aussi présentes mais plus approximatives. C’est une machine qui apprend. Elle apprend des discussions avec vous et des jeux de données que nous lui fournissons.
Performances
Chimering
Performance participative et collective où le public peut s’inviter sur scène
2023
Artistes : Chimère, Raymond MacDonald, Nathalie Ponlot, Mandeep Raikhy, Qondiswa James, Marek M. Chojecki, Jonathan O’Hear
Au cœur de ces œuvres se trouve le potentiel universel de la créativité humaine et le rôle fondamental de l’engagement artistique dans la santé de chacun. Elle comprend des compositions musicales sous forme d’images et d’enregistrements, des sculptures, des films et des performances en direct, tous produits en collaboration avec une intelligence artificielle. Alors qu’une grande partie du débat actuel sur l’intelligence artificielle se concentre sur la dynamique de pouvoir qui existe entre les entités humaines et non humaines, la communication avec les intelligences artificielles nous offre la possibilité de mieux comprendre les processus de collaboration. Dans les contextes artistiques, c’est particulièrement intéressant, car non seulement ces collaborations peuvent déboucher sur de nouvelles œuvres uniques, mais elles soulèvent également des questions importantes sur la titularité et contribuent à remettre en question les notions individualistes de créativité. Elle facilite également des discussions plus larges sur la manière dont nous communiquons entre nous, avec des entités non humaines et avec la nature. Ces dilemmes sont les défis les plus importants auxquels nous sommes confrontés à l’échelle mondiale, alors que nous tentons de traverser les prochaines années de turbulences politiques, écologiques et technologiques. Nous sommes tou·tes créatif·ves, et le fait d’être collectivement créatif·ves contribue à définir ce que signifie exister. Travailler avec des intelligences artificielles pour produire de nouvelles œuvres d’art peut aider à développer de nouveaux styles de communication tout en soutenant et en améliorant les communautés mondiales.
Documentation